27 mars 2020

Nos métiers

Comment répondre sur le plan professionnel et éthiques aux injonctions de continuité pédagogique

Le courrier suivant a été écrit par une collègue dont le professionnalisme et l’éthique étaient bousculés par une pluie d’injonctions déconnectées de la réalité de ce que vivent les personnels et les élèves. Il était adressé à sa direction et à ses collègues.
Les retours de ce genre se multiplient.

Bonjour à tous,

Je ne ferai pas ici une réponse de politique générale bien qu’il y ait beaucoup à dire. Je suis tout à fait consciente que ces directives descendent et qu’il est de votre devoir, monsieur XXX, de nous les transmettre.

Mais je fais ici un mail pour en appeler à l’humanité et au bon sens de tous. Nous faisons tous face à des moments plus ou moins déstabilisants et difficiles professionnellement et personnellement. Dans les deux cas, nous gérons psychologiquement cela de notre mieux. Cependant, la situation ne dure que depuis une semaine et sera vraisemblablement beaucoup plus longue.

Il aurait été sage de la part de nos responsables d’attendre que les outils institutionnels soient opérationnels plutôt que d’exiger de nous de débuter la « continuité pédagogique » dès les premiers jours de confinement. Il n’y aurait alors pas eu de problème d’harmonisation. Ce ne fut pas le cas et chacun a fait preuve de responsabilité et d’engagement en faisant de son mieux pour remplir ses missions. Nous avons donc utilisé chacun les méthodes et outils qui nous convenaient le mieux et nous semblaient avoir le plus de sens, parfois au risque de se mettre hors la loi, encore une fois dans le souci de de bien faire. Nous avons tous, perdirs et enseignants, pallié les carences de notre administration.

Il est temps que cela cesse.

Certains d’entre nous font face actuellement à des situations personnelles douloureuses et nos élèves également. Qu’il s’agisse d’une, de 6 ou de 10 semaines, les cours et apports pédagogiques que nous produirons et transmettrons ne feront qu’aggraver les difficultés des élèves (sauf exception des élèves qui n’en ont aucune) et dans tous les cas il faudra tout reprendre. Plutôt que de nous alourdir la tâche avec un protocole « usine à gaz » de plus, qui sera fatigant et surchargeant pour les PP comme pour les enseignants, il est temps d’alléger le travail des collègues comme des élèves, de se ménager, de prendre soin de soi et des siens avant tout et d’arrêter de faire croire aux parents (et au passage à nous-même s’il était besoin) que l’école peut avoir lieu à la maison.

Rassurer les parents c’est leur dire que l’avenir heureux de leur enfant ne dépend pas de la continuité pédagogique actuelle. Rassurer les enfants, c’est leur dire que tout ira bien (car ce sont bien des enfants !) et que l’école et les profs assureront à leur retour en classe. Rassurer les personnels, c’est leur dire que quoi qu’ils fassent, on sait qu’ils font de leur mieux et qu’ils n’ont pas de compte à rendre à qui que ce soit puisqu’ils sont des experts de leur domaine et de leur pédagogie.

A titre personnel et syndical, j’encourage donc les PP à ne pas exiger quoi que ce soit de leurs collègues et rappelle qu’aucune hiérarchie intermédiaire n’existe dans nos catégories de personnels. J’encourage également chaque collègue à ne pas exiger des PP qu’ils centralisent quoi que ce soit s’il n’en n’a pas lui-même émis le souhait. J’encourage tout à chacun à penser d’abord à son cercle proche et à transmettre de la façon la plus simple possible (l’ENT fonctionne) de quoi permettre aux élèves de réviser afin que ni nous, ni eux, n’ayons plus de pression et de tensions que ce que la situation provoque déjà par elle-même.

Communiquons, oui, mais faisons-nous avant tout confiance et n’intervenons pas dans le travail les uns des autres.

Je vous souhaite à tous, de tout coeur, de trouver le moyen de vivre au mieux la situation, sur le plan professionnel comme personnel.

Bien cordialement,