5 janvier 2020

Le SNES académique - Les sections départementales

Réforme des retraites et contreparties Blanquer : explications

Tout d’abord, je vous souhaite au nom du bureau du SNES Aube, tous nos vœux pour cette année 2020.

2020 sera une année charnière pour les enseignants. Pour nous, derrière l’enjeu déjà énorme de la retraite, s’avance la perspective d’un nouveau métier.

Tout dépendra de la mobilisation des enseignants.

Il est nécessaire de parler en salle des profs de la suite du mouvement, il ne faut pas faiblir et être déterminé.

RDV jeudi 9 janvier à 14h place de la bourse !!

Voici un résumé de l’actualité et de l’arbitrage d’Edouard Philippe (agrémenté de commentaires), dossier de presse ici.

C’est long pour un résumé, mais vous pouvez l’utiliser pour vos débats dans vos établissements et dans vos familles (à afficher ou à distribuer en salle des profs ?)

E.Philippe reprend la quasi totalité du rapport de JP Delevoye, 72 ans, haut fonctionnaire et atteint d’un syndrome de phobie administrative (ou des troubles récents de la mémoire) dont les liens avec les assurances ou des groupes d’influence (sur des questions éducatives notamment) permettent de douter de la probité du bonhomme.

Tous les salariés cotiseront sur l’intégralité de leur salaire (part fixe + primes) dès 2025 (ou 2022 pour les jeunes nés à partir de 2004) :

L’ensemble de la carrière est prise en compte au lieu des 25 meilleures années dans le privé et les 6 derniers mois dans le public.

Lorsque Balladur (en 1993) a fait passer le privé aux 25 meilleures années au lieu des 10, ça n’avait pas pour objectif d’augmenter les pensions.

Alors prendre l’ensemble de la carrière, tout le monde comprend (j’espère) que cela va irrémédiablement faire baisser les pensions, notamment à cause des périodes d’inactivité subies (la tranche 55-64 ans des séniors dans le privé peine à retrouver un emploi, quasi 1/2 étant au chômage).

Notre système actuel n’est pas parfait (à cause des réformes successives) mais il a l’avantage de nous protéger en prenant en compte que les meilleures années où nous sommes salariés (avant la mise en place de notre système actuel après la libération, les vieux étaient les pauvres du pays). Nous avons d’ailleurs les retraités parmi les moins pauvres d’Europe (il faut voir les retraités Suédois ou les Anglais, qui sont obligés de prendre un job pour vivre ... vous voulez vraiment ça ?)

Ils insistent beaucoup sur le fait que c’est plus « juste » (mais tout le monde n’a pas la même définition de ce qui est juste, je vous laisse écouter Clément Viktorovitch sur la justice, un concept creux ? ici) car toute heure travaillée rapporte des points.

Le taux de cotisation est fixé à 28.12% du salaire + primes jusqu’à 120 000€ brut de revenu annuel.

Pour les hauts salaires au delà de 120 000€ brut annuel, c’est un taux de 2.81 % (oui oui, vous ne rêvez pas) qui s’appliquera sur les revenus au dessus de 120 000€ (par exemple, une personne qui a 200 000€ brut annuel va cotiser 28.12% sur la tranche 0€ -120 000€ puis va cotiser 2.81% sur la tranche 120 000 - 200 000€). Ce taux servira à financer « la solidarité nationale », c’est à dire les points gratuits donnés aux Français (voir plus bas).

L’âge légal de départ en retraite reste à 62 ans, le gouvernement gardant la main dessus.

Les paramètres pour mettre le système à l’équilibre :

Ce seront les partenaires sociaux (constitués de manière paritaire de travailleurs indépendants, d’employeurs, salariés du privé et du public) qui devront fixer ou faire varier l’un des paramètres suivants :

- la valeur d’achat (pour l’instant il faut cotiser 10 € pour s’acheter 1 point) : cette valeur sera indexé sur les salaires ;

- la valeur de service (ou de liquidation) : on convertit les points achetés pendant toute la carrière. Fixé à 1 point donne 0.55€ de pension annuelle. Cette valeur va augmenter chaque année comme le salaire moyen, ne pourra pas baisser (ils appellent ça, la règle d’or).

Ils sont forts car le fait d’insister sur le fait que la valeur de service ne va pas baisser donne l’impression que les pensions ne baisseront pas. Mais si la valeur d’achat augmente par contre (par exemple cotiser 15 - 20€ pour s’acheter un point), irrémédiablement on aura moins de point à la fin de la carrière, donc une pension qui va baisser.

Le rendement du point est donc pour le moment fixé à 5.5% (10 € = 1 point à l’achat puis 1 point = 0.55€ à la liquidation) mais aux partenaires sociaux de décider comment il va évoluer.

- l’âge pivot (voir plus bas) ;

- le taux de cotisation fixé à 28.12% pour le moment (voir plus haut) ;

- l’indexation des pensions (pour l’instant, il est prévu de les indexer sur les salaires plutôt que sur les prix, les salaires évoluant plus vite que les prix en moyenne).

Si les partenaires sociaux n’arrivent pas à mettre le système à l’équilibre à cause du cadre trop restreint (des contraintes impossibles), alors c’est le gouvernement qui reprend la main et décide.

Il y a un risque que cela se produise régulièrement (car le MEDEF va en plus mettre son grain de sel) comme ce qu’il s’est passé il n’y a pas si longtemps lors de la réforme de la formation professionnelle et de l’assurance chômage.

Âge pivot (devenu l’âge d’équilibre, ça fait moins peur) qui s’applique à partir de 2022 :

Grand retour de ce paramètre alors qu’il avait été écarté par Macron pour se mettre dans la poche les réformistes.

Si on part avant l’âge pivot, un malus s’applique, sinon c’est un bonus : aux partenaires sociaux de décider, s’il n’y arrive pas, ça sera 5% par année manquante.

L’age pivot devient un paramètre, c’est à dire qu’il va évoluer (je vous laisse deviner dans quel sens) en fonction de l’espérance de vie des générations.

Le problème étant que l’espérance de vie en bonne santé lui stagne (64 pour les femmes et 63 ans pour les hommes), donc on va partir en retraite mais malade ou en ayant mal partout.

Les partenaires sociaux devront le définir mais si aucun accord, l’arbitrage Philippe indique une augmentation de 4 mois par an à partir de 2022 soit :

En 2022 : 62 ans et 4 mois

En 2023 : 62 ans et 8 mois

En 2024 : 63 ans

En 2025 : 63 ans et 4 mois

En 2026 : 63 ans et 8 mois

En 2027 : 64 ans

Des projections donnent :

- pour la génération 1980 : 65.4 ans

- pour la génération 1990 : 66 ans

Enfants :

5% de majoration de pension pour chaque enfant mais pour l’un des deux parents.

Bonus (royal ?) de 2% dès 3 enfants ou plus ... mais toujours pour l’un des deux parents.

Cela semble mieux car aujourd’hui, un bonus de 10% s’applique qu’à partir du 3e enfant pour le couple (+ des trimestres validés pour chaque enfant et ce dès le premier et en fonction de l’année de naissance).

Le gros problème du système proposé est le suivant : un couple va logiquement mettre le bonus sur la pension du père (car les écarts de salaire vont pousser les couples à cette solution). Mais si le couple se sépare (environ 1 mariage sur deux se termine en divorce), alors le bonus reste t-il sur la pension du père ? Y aura t’il renégociation ? Rien n’est prévu dans l’arbitrage Philippe !

Pour le congé parental, des points gratuits mais sous conditions de ressources (lesquelles ?) et à hauteur de 60% du SMIC pendant les 3 premières années de l’enfant et pendant les 6 premières années à partir du 3e enfant.

Pension de réversion :

Assurer 70% des droits à retraite du couple pour le veuf/veuve ;

Sans condition de ressource (une des rares bonnes décisions de l’arbitrage) ;

Uniquement pour les couples mariés (le PACS n’est toujours pas pris en compte alors qu’il existe depuis 20 ans, ça fait vraiment vieille France) ;

Le veuf/veuve touchera la pension de réversion du conjoint décédé uniquement à partir de 62 ans.

Période d’interruption = points gratuits :

congé maternité : des points dès le 1er jour d’arrêt sur la base du revenu de l’année précédente ;

congé maladie : ne doit pas dépasser 30 jours sur l’année, des points dès le 1er jour d’arrêt sur la base du revenu de l’année précédente ;

période d’invalidité : des points sur la base du revenu des 10 meilleures années d’activité (que se passe t’il si on n’a pas 10 ans de carrière ?) ;

période de chômage : des points sur la base des indemnités versées à ces assurés au titre de ces périodes, notamment sur la base de l’allocation de retour à l’emploi.

Des choses biens ? :

 prise en compte de la pénibilité ;

 cessation progressive d’activité ;

Mais il n’y a aucune idée d’application, ni même un début de mise en place, aucune garantie. Faut-il donc y croire ?

De plus, sur la cessation progressive d’activité, il est précisé : « l’employeur qui en refusera l’accès devra démontrer que la réduction du temps de travail est impossible, compte tenu de l’activité économique de l’entreprise. » ... donc c’est pas gagné pour l’avoir !

Qui est concerné ? :

 né à partir de 2004 : ils seront complétement dans le système à point et les nouvelles règles. Ils cotiseront dans le système à point à partir de 2022.

 né avant 1975 : ils restent dans l’ancien système (25 meilleures années dans le privé, 6 derniers mois dans le public) mais ils seront concernés par l’âge pivot qui va s’appliquer à partir de 2022.

 né à partir de 1975 : un prorata ancien système/système à point qui n’est pas encore définit dans l’arbitrage (aux partenaires sociaux de décider). Ils vont commencer à cotiser dans le système à point à partir de 2025.

Ils garantissent les droits acquis dans l’ancien système (enfants, pension de réversion, cotisation sur les 25 meilleures années dans le privé, ...). L’idée est prendre une fraction des droits acquis avant 2025, puis une fraction des nouveaux droits après 2025.

Vous le voyez, tout le monde est concerné !

Les profs et ... :

Textuellement, il est écrit : DES GARANTIES APPORTÉES POUR LES ENSEIGNANTS (voir page 29 de l’arbitrage Philippe)

On le sait, les primes étant faibles dans l’Éducation Nationale, nous sommes des grands perdants, ils ne s’en cachent pas (Macron, Philippe, Delevoye, Blanquer, Darmanin).

Ils garantissent que le niveau de pension ne baissera pas.

Pour cela, ils promettent aux enseignants « une revalorisation progressive et significative de leurs primes » (je ne l’invente pas, c’est écrit page 29).

Au lieu d’augmenter la part fixe (donc donner des indices sur les échelons à tout le monde), c’est les primes qui augmentent. Donc tout le monde ne sera pas concerné, ce qui contredit l’objectif que le niveau de pension ne baissera pas.

Quelles primes ? Celle pour prof principal ? Les IMP ? Les heures sup ? Ils vont en créer ?

Ceux qui sont nés avant 1975 (qui partiront en retraite à partir de 2037 donc à 62 ans) restant dans l’ancien système (donc sur le calcul des 6 derniers mois) ne devraient pas obtenir de revalorisation salariale (alors qu’il reste encore 17 ans avant d’atteindre l’âge légal de 62 ans de départ en retraite).

Ceux qui sont nés à partir de 1975 auront une fraction de la pension calculée dans l’ancien système avant 2025 (je ne comprend pas comment les 6 derniers mois d’une carrière peuvent être pris en compte si on est encore très loin d’y être) et une autre fraction de la pension calculée dans le système à point à partir de 2025.

Est ajouté : « La part de la pension calculée avec les nouvelles règles augmentera donc progressivement : pour la première génération concernée qui partira à partir de 2037, elle représentera moins d’un tiers de la pension totale »

La revalorisation doit intervenir progressivement (sur plusieurs années) à partir du 1er janvier 2021 (Blanquer a dit en priorité sur les débuts de carrière). Les négociations doivent démarrer avant fin 2019 et aboutir d’ici le printemps 2020.

La revalorisation promise par Blanquer n’est toujours pas fixée, il a dit entre 8, 9, 10 ou 11 milliards de 2021 à 2037. Cela lui vaut le sobriquet de Jean-Michel Apeupré.

L’inscription d’une revalorisation dans une loi de programmation ne garantit rien.

En se fixant comme échéance 2037, le gouvernement étale le processus sur plus de 3 quinquennats ! Rien n’assure que les gouvernements successifs vont suivre ces engagements.

L’exemple le plus proche, celui du gouvernement actuel de geler le PPCR pendant 1 an, pourtant inscrit dans des textes réglementaires, faisant perdre ainsi un an à l’ensemble de la profession.

De plus, je tiens à rappeler que quelqu’un a évalué le montant de la revalorisation, un certain Mr Macron, à Rodez, qui expliquait que 10 milliards, c’était impossible (c’est vos impôts), et qu’il va falloir repenser le travail (les vacances et le temps de travail).

... les contreparties :

Vous l’avez tous entendu ou lu, il est évident qu’il y aura des contreparties. Le tour de force est de profiter de ce moment pour changer le statut du prof. Blanquer appelle ça le professeur du XXIe siècle ! (c’est beau, on en pleurerait).

Blanquer a dit qu’il fallait « redéfinir les ressources humaines de l’Éducation Nationale » (mercredi 11/12 à 14h38), il y a 1 million de personnels, il faut rendre les profs « heureux » et le métier attractif.

Il ose dire « nous continuerons d’investir davantage dans l’éducation » au moment où les suppressions de postes se poursuivent (+22 484 élèves et - 440 postes d’enseignants, notre académie en perd 70).

Pour les contreparties, il se base sur un rapport du sénat, résumé ici, qui fait peur et dont il s’est déjà inspiré, notamment sur les 2 heures sup non refusables.

Voici une synthèse (4 pages) :

- revoir la place du concours de recrutement : C’est en route, ils veulent le placer en fin de M2 (au lieu de fin de M1), les étudiants devront avoir un service devant les classes dès l’année de M1, palliant ainsi les suppressions de postes.

- annualisation des services : le rêve de la droite et de la cour des comptes depuis des années. Chaque prof doit faire 18h * 36 semaines = 648 heures dans l’année scolaire. Cela signifie que si votre classe de 3e est absente pour une sortie ou un voyage et que vous n’accompagnez pas, vous devrez rattraper vos heures de cours. Si vous êtes absent pour une formation ou une réunion, vous devrez rattraper vos heures de cours.

L’annualisation est censée permettre de mieux gérer les ressources humaines en TZR en les concentrant sur les absences longues. C’est assez hypocrite, un prof absent sur 1-2 jours n’est quasi pas remplacé ... car ils suppriment les postes en masse et ceux des TZR en particulier.

On notera la recommandation (en bas de la page 3) sur qu’à minima, il faut porter à 2 le nombre d’heures sup non refusables.

- temps de formation sur 5 jours pendant les vacances : formation pendant vacances = pas de profs absents devant les classes = pas besoin de remplacement par un TZR + se mettre les fédérations de parents dans la poche.

- créer une hiérarchie intermédiaire : Donner plus de responsabilités et plus de liberté aux professeurs dans des établissements plus autonomes ; associer les professeurs à la direction de l’établissement par le statut d’emploi de postes à responsabilité ... sans commentaires !

- Repenser les règles d’affectation : la mesure qui fait le plus débat. Blanquer a dit récemment que les règles sont trop rigides sur les affectations et les règles du mouvement. L’idée est de multiplier les postes à profils, de mettre tous les agrégés en lycée, de mettre des primes sur des territoires ruraux reculés (en même temps que l’on supprime la prime REP ?), de créer les affectations par contrat de mission ( quelles missions ?), et d’introduire une obligation de mobilité.

Alors que l’on nous rabâche depuis des années que c’est des équipes stables (des territoires comme Créteil connaissent une forte rotation) qui permettent le travail collaboratif et d’améliorer les résultats des élèves, l’idée est ici de casser les équipes de manière régulière est jusqu’à la fin de la carrière (tous les 6-9 ans comme les chefs d’établissements ?) empêchant tout collectif de s’installer durablement.

On peut aussi indiquer d’autres pistes évoquées comme le contrôle étroit des enseignants par des personnels de direction ayant des pouvoirs renforcés d’affectation et de rémunération, personnalisation de la durée du travail, heures de présence dans les établissements notamment pour faire les remplacements, réunions d’équipe ajoutées à l’emploi du temps, augmenter le temps de service obligatoire (20h pour un certifié ? 17h pour un agrégé ? Combien pour un prof d’EPS ? Combien pour un prof des écoles (ou alors la priorité à l’école primaire fera qu’il n’y touchera pas ... pour mieux diviser) ?, la bivalence obligatoire ...

C’est sur que c’est attractif !

Il est insupportable et inacceptable qu’une revalorisation (pour compenser en plus une réforme qui nous dessert) soit l’occasion de casser le statut.

Surtout que c’est un mensonge, par rapport aux voisins, les profs français ne travaillent pas moins et n’ont pas plus de vacances (voir cet autre bel article du café)

Caisse de grève SNES :

Le SNES-Reims organise une caisse de grève. Le lien se trouve ici.